Groupe Wib, le startup studio marocain
spécialisé dans le web, qui investit dans les idées entrepreneuriales de jeunes cadres

Dans cette interview, nous avons abordé l’origin story du studio, sa thèse d’investissement, les facteurs clés de succès et bien d’autres choses.
Khalil EL Kouhen
Bonjour Ismael, je sais que tu es un serial entrepreneur mais aujourd’hui, nous n’allons pas parler de tes startups mais plutôt du Groupe Wib, le startup studio que tu as lancé.
C’est un concept qui n’est pas encore très répandu au Maroc et qui mérite d’être plus connu.
Ma question est simple, pourquoi un startup studio?
Ismael Belkhayat
C’est une bonne question.
Pour les lecteurs qui ne connaissent pas, un startup studio est une entreprise spécialisée dans la création de startups from scratch.
Pour comprendre pourquoi nous avons lancé un startup studio au Maroc, je dois revenir un peu sur l’origin story.
J’ai commencé ma carrière en tant que consultant au BCG : il y était question d’un apprentissage quotidien, avec une charge importante de travail sur des sujets hyper intéressants et très variés.
C’était un peu un passage obligé pour acquérir les compétences qui me faisaient défaut. Une fois que je me suis senti prêt pour entamer la voie entrepreneuriale que je m’étais choisi, je me suis lancé à la recherche de la bonne opportunité.
Après une période d’introspection assez rapide, j’ai décidé de me focaliser sur ma passion pour le web et les nouvelles technologies.
L’enjeu était de réussir dans un écosystème entrepreneurial difficile. Au Maroc, il est très compliqué de lever des fonds. Et c’est encore plus vrai quand il s’agit de sujets innovants.
Pour m’adapter à cette donne, et augmenter la probabilité de trouver un financement, je suis parti du principe que dans le domaine du web, le Maroc a 10 ans de retard sur l’Europe et sur les Etats-Unis.
Je me suis donc mis à chercher parmi des business models qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs. C’est comme ça que je me suis intéressé au hosting et à la gestion des noms de domaines.
Puis, tout naturellement, j'ai complété mon offre en devenant revendeur de Gsuite de Google qui s’appelait encore Google apps.
Je me suis retrouvé à générer un revenu mensuel récurrent important en mettant à disposition de mes clients des licences Google. Très rapidement, ce revenu mensuel a permis de couvrir les frais de mon back-office : les devs, les marketeurs, le comptable... L’idée derrière la création du startup studio, était donc de mutualiser ces ressources humaines et ces infrastructures.
Mon premier projet VotreChauffeur.ma s’inspirait du succès d’Uber. Mais j’étais un peu naïf : le business model était trop capitalistique. Le challenge fondamental était l’acquisition, sur une ville, de suffisamment de chauffeurs pour que le temps d’attente soit acceptable par les clients.
N’ayant pas le capital nécessaire pour tenir suffisamment longtemps, j’ai été obligé de pivoter vers une option moins scalable mais plus rentable. J’ai du acheter mes propres véhicules. On a commencé avec 3 véhicules en leasing et un capital de 1000 dh.
Le proof of concept avec trois véhicules nous a permis de lever des fonds. J’ai progressivement cédé 65% de la société a des investisseurs, ce qui nous a permis d’acheter une cinquantaine de voitures supplémentaires.
Aujourd’hui, nous avons une jolie PME qui a atteint l’équilibre avec 60 chauffeurs et 400 entreprises clientes parmi le Top 1000 du Maroc.
KEK
Peux-tu expliquer un peu plus comment tu choisis les projets du startup studio?
IB
Il n’y a pas de règles absolues mais on se pose trois questions de manière assez systématique.
Le concept a-t-il été éprouvé ailleurs, depuis au moins 10 ans?
Est-il adaptable au contexte marocain?
Est-il susceptible de profiter de la mutualisation de nos assets?
KEK
Votre track record?
IB
Nous avons des startups avec de belles perspectives.
Sarouty est un bon exemple. Nous avons créé un outil d’intermédiation dans l’immobilier en partenariat avec un groupe étranger. Chaque mois nous mettons en relation 100000 internautes avec des intermédiaires. Nous en sommes au stade où les revenus couvrent les frais de fonctionnement. Il faut dire que c’est un secteur capitalistique, pas forcément en serveurs ou autre, mais en investissement marketing.
On peut aussi parler de nos annuaires. En cherchant des concepts qui ont marché ailleurs, nous avons identifié Doctolib qui est valorisé à 1 milliard de dollars. Comme il y avait déjà Dabadoc au Maroc, nous avons créé MonDentiste. Nous sommes aujourd’hui à une centaine de clients payants pour ce service. Le next step c’est d’étendre ce concept à d’autres métiers comme les architectes et le notaires.
KEK
Quelles sont pour vous les fondamentaux pour un startup studio?
IB
Primo, un environnement attractif pour les porteurs de projets. Il est indispensable de rassurer l’entrepreneur qui ne doit pas se demander s’il est en train de verser de l’eau dans le sable. Les locaux jouent un rôle important, mais aussi les fonctions supports, comme le marketing, le dev ou la comptabilité par exemple. Un dernier point peut-être, les startups ont très souvent besoin d’outils cloud pour la pub en ligne ou le déploiement sur le web, comme AWS, Googles Ads, Facebook Ads… C’est donc toujours utile de pouvoir leur proposer ce type de solutions.
Secondo, un fond d'amorçage pour faire tourner la startup jusqu’à la réalisation d’un POC (proof of concept), si on estime que c’est le risque technologique qui prime ou un MVP (Minimum Viable Product) si c’est le risque marché. Dans les deux cas, l’idée est de convaincre les investisseurs d’apporter les fonds. Ou d’atteindre l’équilibre si on adopte une approche bootstrapping.
Tertio, un réseau de business angels qui sont prêts à partager leurs expériences et leurs carnets d’adresses.
KEK
Et votre business model ?
IB
De l’equity. Entre 10 et 50 %.
En contrepartie, le porteur de projet dispose de développeurs, de marketers, de copywriters, de support. Il a également un bureau à sa disposition. Et les outils cloud indispensables.
KEK
Comme le principe de base du startup studio repose sur le partage de ressources, comment faites-vous pour que ce soit équitable?
IB
C’est une excellente question. Pour être transparent, on a commencé en disant aux startups que les ressources étaient à leur disposition. Chacun faisait appel à sa guise aux ressources dont ils avaient besoin.
Et justement, on s’est heurté au problème d’équité. Certains fondateurs de startups avaient une plus grande intelligence émotionnelle, et ils ont su tirer la couverture vers eux en créant un bon relationnel avec les ressources mutualisées.
Ce qui a créé un malaise basé sur un sentiment d’injustice.
Depuis on a rectifié le tir, les demandes passent par un PMO qui priorise en fonction de l’importance, de l’urgence et du besoin de la startup.
KEK
Quels sont les KPIs que vous pous pouvez partager avec nous concernant le startup studio?
IB
Pour le moment, je préfère rester discret sur certains KPIs importants comme par exemple la valorisation du portefeuille.
KEK
Que pouvez-vous partager avec nos lecteurs pour leur donner une idée précise sur l’importance de votre portefeuille?
IB
Pour vous donner une idée sur notre portefeuille, constitué d’une dizaine de startups, je peux vous dire que nous avons une centaine de collaborateurs, auxquels il faut ajouter une soixantaine de chauffeurs.
KEK
Merci Ismael d’avoir partagé avec nous, j’y ai pris beaucoup de plaisir tout en apprenant beaucoup. Au prochain milestone.
IB
C’était tout autant un plaisir pour moi. A très bientôt pour de nouvelles aventures.